3 septembre – 17 octobre 2020
Vernissage le jeudi 3 septembre
Exposition personnelle
Il faut s’approcher au plus près de l’oeuvre pour prendre la mesure de la prouesse… Chez Nicolas Pégon, le dessin est d’une précision telle que l’oeil s’entête longtemps à le confondre avec l’image photographique. Pourtant, c’est bien à la main de l’artiste, à sa dextérité invraisemblable, que l’on doit la scène qui s’offre au regard, et au coeur de laquelle se discernent peu à peu de savoureux détails, de subtils motifs, d’audacieuses perspectives, qui nous éloignent d’une vision résolument réaliste – ou hyperréaliste – du monde environnant. Les images, les représentations, les affiliations se télescopent dans son travail. Un collage d’éléments suffisants, de motifs hétéroclites se chevauchant dans leurs altérations réciproques, leurs autarciques préciosités, leurs déficiences. Une intention artificielle d’imiter un réel, réalité intérieure du sujet : impartiale, corruptible _ analogique. Ici le sacré, le profane sont à égalité. Les pôles d’attraction sont azimutés vers un ailleurs relatif. De bric et de broc, exaltation de machineries savantes : inventives, fantasques. Baroques et Dada à profusion ! Une éloge de la substance, une apologie de la matière en autant de fétiches divinatoires, d’amulettes prophétiques : oxymores passionnés, proliférations flamboyantes, projections ritualisées… Une imagerie véhiculant un esprit libertaire, débarrassée d’une trame linéaire, l’obscène, l’hérétique côtoyant l’érotisme, le lyrisme à l’égal d’une insurrection poétique. Aussi les clefs de lecture de ses oeuvres se situent dans des déplacements sémantiques. Une virtuosité au service de l’humour, de la pétulance, des vanités amalgamées _ fusionnées…des autels panthéistes, des anamorphoses… l’Éros, le Thanatos, le trauma d’une psyché, une cérémonie extravagante, des curiosités grotesques au gré des illusions et des caprices. Quand il dessine, on voit son affection pour le noir et blanc car sa maîtrise est telle que Nicolas Pegon s’émancipe de la catégorie : il détruit les frontières. Cette rencontre des techniques serait décrite comme une tendance scripturale à la fois littérale et métaphorique, permettant à l’ensemble de son oeuvre de se faire critique et de mettre en avant son rejet des discriminations, de l’individualisme, du narcissisme, de la démagogie. Il prend, écrase, coupe, étire, modèle, aplatie au même niveau et mélange tout, transparence de cet artiste qui dit tout et qui montre tout, alors même qu’il sectionne et ne montre finalement que des choses en morceaux. Son outil, son médium unique, ce fusain est ce charbon qui marque, qui ancre presque, de celui avec lequel on pourrait se grimer le visage pour se mettre au combat, retourner à une ère tribale, une ère de la terre qui fait parler avec ses tripes. Un langage bien à lui, presque magique. Il habille ainsi de mystère des éléments reconnaissables et connotés socialement pour brouiller les pistes de lecture et leur donner comme un nouveau départ. Là où il mystifie le banal, il neutralise le merveilleux. De ce grand écart résultent des compositions denses, ultra cohérentes que l’on peut regarder de loin pour se faire engloutir par la masse, ou de près pour se concentrer à loisir sur un détail. Derrière ces oeuvres où il mélange et superpose des corps, des objets, des cranes, des sexes bandants, du végétal, de l’animal se cache un travail de recherche et de préparation pour mieux nous emmener et nous perdre. Nicolas Pegon use des niveaux de lecture, de la mise en abyme pour mieux nous montrer comment rester indivisible dans un tout. Il joue des couches, de la profondeur, de la densité des noirs pour, au détour de l’architecture du dessin, nous proposer une vision nouvelle. Il est un visionnaire qui nous emmène pour aller au-delà de la perception simple des choses, qui agence avec brutalité souvent et distorsion parfois des éléments qui n’ont rien à faire ensemble et qui finissent par former un tout qui fonctionne. Un écosystème qui fait cohabiter des humanités éloignées, des objets qui deviennent presque vivants. Les têtes coupées, les corps sectionnés, les membres mélangés, rehaussés parun propos moderne illustré par des figures évidentes de la culture pop et confondus dans un graphisme à géométrie, ce que l’on peut qualifier de générationnel et d’universel. La réflexion du dessinateur apparaît : la nature domine l’homme comme si par le dessin Nicolas Pegon cherchait à mettre en place une étude anthropologique de l’espèce humaine.