02 février 2018 – 02 mars 2019
Vernissage le samedi 02 février
«Vous en connaissez beaucoup des artistes âgés comme The Kid (il est né en 1991) qui pratiquent la peinture, le dessin et la sculpture avec autant de virtuosité ? Et cela sans même avoir suivi, de surcroît, la moindre formation à ses médiums de prédilection en école des Beaux-arts. Et il fait littéralement oeuvre avec un parcours fulgurant, une production stupéfiante. Comme si le temps pressait de réaliser ce à quoi il est appelé, comme soumis à une double urgence de témoigner et de créer.
Le travail de The Kid (il a toujours été le plus jeune et a toujours été spontanément désigné de la sorte, reprenant désormais, pour créer, ce nom qui» se joint « par ailleurs à ses juvéniles sujets et à son sujet même) le rattache aux Etats-Unis. Comme le photographe Gregory Crewdson, The Kid donne donc à voir l’envers du décor du rêve américain. Très tôt conduit à voyager outre Atlantique (…) The Kid est devenu autonome avec une extrême précocité, il a pu multiplier les expériences et découvrir à quel point la jeunesse, malgré toutes les promesses qu’elle semble contenir, n’ouvre, pour certains, sur aucun avenir. (…) On ne saurait ignorer cette prise de conscience (…) qui s’est accompagnée de la nécessité de dire, de témoigner de la violence dont sont victimes les jeunes auxquels aucun autre destin n’est promis que celui de l’échec. (…) Devant une conscience si aigüe du poids du social chez un artiste aussi jeune, face à tant de consistance dans le propos porté par l’oeuvre, on ne peut être qu’interpellé.
Car c’est là le plus remarquable chez The Kid : il existe une formidable adéquation entre le fond de son travail, ce qu’il explore depuis le début de ses travaux d’artiste visuel, tout à la fois dessinateur, peintre et sculpteur, et la forme pour laquelle il a opté, le rattachant très directement au courant de l’hyperréalisme, tant dans ses dessins», dans ses peintures « que dans ses sculptures. Ce choix relève d’une parfaite justesse et ne se réduit nullement à l’exploitation commode de son extrême virtuosité technique. Car celle-ci n’est nullement gratuite et, tout au contraire, elle est mise au service du propos. Certes, les artistes hyperréalistes sont nombreux en dessin et en peinture, bien au-delà des seuls artistes américains (citons ici notamment l’immense Gerhard Richter pour l’Allemagne ou bien Hucleux et Jacques Monory en France). C’est toutefois avant tout aux Etats-Unis – on y revient – que le courant puise sa source la plus directe avec Edward Hopper et en ayant emprunté également au pop art, puis qu’il s’est le plus épanoui dans les années 1950 et 1960.
C’est encore aux Etats-Unis que le courant hyperréaliste a connu sa plus riche liation avec des artistes tels le maître du noir Robert Longo, Richard Estes, ou encore Chuck Close parmi bien d’autres peintres et dessinateurs. En sculpture, c’est aussi un artiste américain, Duane Hanson, qui, le premier, s’est réellement imposé par ses oeuvres hyperréalistes re étant la culture américaine en la raillant et en pourfendant un mode de vie super ciel, standardisé. En choisissant la voie de l’hyperréalisme, The Kid n’utilise donc nullement de façon gratuite son incroyable habileté, il a trouvé le meilleur moyen plastique pour exprimer, avec une spectaculaire efficacité, la thématique qu’il creuse dans ses oeuvres. (…) La dimension narrative y est centrale, les personnages représentés sont littéralement mis en scène. (…) Comme dans le sacré, il est ici question d’énigme à travers cette formidable maîtrise technique qui se redouble de la capacité à inscrire l’oeuvre dans la plus riche tradition empruntée notamment à l’art classique. Pourtant, les références, à la fois profondes et multiples, se veulent accessibles au plus grand nombre et ne sont pas réservées à un public de spécialistes et d’initiés.
En cela, The Kid sait développer une oeuvre touchante, tant par la double générosité du propos et du rapport avec le spectateur que par la sincérité qui l’irrigue. Pour cela aussi, il cherche à interpeller le spectateur, voire à choquer, ce qui le rapproche de la démarche plastique des frères Chapman, pour provoquer la réaction. L’oeuvre de The Kid, tout en se situant résolument dans notre époque mais aussi dans l’instant même, du fait notamment de la parenté avec la culture urbaine la plus contemporaine, possède également cette fascinante capacité à propulser – on retrouve ici la dimension narrative – dans un double mouvement vers un passé de ses personnages dont il vaut mieux se détourner, mais aussi, simultanément vers un futur dont la possibilité même semble comme interdite. (…) On pense ici à Larry Clark, à ses jeunes paumés dont la jeunesse et la beauté fugace liée à celle-ci constitueront le seul bref et fragile succès. Comme chez Larry Clark, la grande maîtrise technique de The Kid n’inclut nulle froideur. (…) L’oeuvre relève d’un mélange complexe d’in uences entre «Highbrow culture» (la «haute culture», celle des arts visuels notamment) et « lowbrow culture » renvoyant surtout au cinéma (on pense ici aux rôles interprétés par James Dean, et, plus près de nous, aux cinéastes Harmony Korine, Gus van Sant ou Xavier Dolan, surtout avec son lm Mommy). (…) L’hyperréalisme ne saurait d’ailleurs tromper et n’est en rien soumission à l’exacte réalité.(…) Par ce type de procédé pictural, une peinture, une sculpture ou un dessin de The Kid se reconnait au premier regard.»
Alain Quemin,
« The Kid: La fureur de dire ».
Auteur de Les Stars De L’Art Contemporain.