Serge Legs – Gravurlesques

08 décembre 2018 – 12 janvier 2019

Vernissage le samedi 08 décembre

 

« Un art gardait le privilège de la sincérité dans le détail des figures nues: la gravure. On peut affirmer que depuis l’invention de l’estampe jusqu’au XIXème siècle la majorité des graveurs fut hostile à toute suppression. » Pierre Louÿs

Il est peu d’objets d’art qui soient aussi complexes que la gravure. D’une part, la fabrication mécanique s’ajoute à la création de l’artiste; d’autre part, la gravure peut être à la fois une œuvre d’art originale et, du fait de sa reproduction à de multiples exemplaires, un moyen de communication de masse.
Par conséquent, elle s’adresse autant à l’esthète qu’au grand public. Dans cette production qui, comprise au sens large, va de la photo de journal à l’estampe d’artiste, il faut évidemment faire des distinctions. L’estampe se situe souvent aux confins de l’œuvre d’art; or, bien peu d’images gravées méritent ce titre. On ne peut cependant trouver aucune définition objective qui soit exhaustive. Le fait qu’il y ait toujours eu des restrictions quant à l’appartenance de la gravure à ce qu’on nomme « le grand art » oblige à se demander dans quelle mesure la gravure répond à la définition actuelle de l’art. Les premières gravures furent produites pour populariser les œuvres d’art; il est certain aussi que ce procédé a donné naissance à un nouvel art original. Il faut donc saisir à différents niveaux le rapport de la fonction utilitaire de la gravure à sa fonction esthétique sous ses divers aspects (commercial, social, sémantique et technique).
Née avec la Renaissance, la gravure s’est surtout affirmée comme l’art de la bourgeoisie dont elle diffuse les genres et les thèmes, entre l’art aristocratique et l’art populaire. Pour l’artiste, elle dépasse de beaucoup ce cadre; elle est un moyen d’expression riche qui a pu satisfaire à tous les styles, encore utilisé largement par les écoles d’avant-garde.
Il était logique qu’après l’invention de la photographie les fonctions utilitaires de la gravure diminuent d’importance au profit de ses possibilités esthétiques. Ainsi de nos jours la gravure est-elle partagée entre un art de luxe, né du renouveau de l’estampe originale à la fin du XIXe siècle, et un produit de consommation qui participe, avec les moyens photomécaniques, à la civilisation de l’image […] L’intérêt de la gravure et sa richesse viennent en grande partie de ce que ses fonctions utilitaires ne l’ont jamais empêchée d’être simultanément un art original et non fonctionnel. Dès que l’on quitte ces exemples grossiers, l’illusion devient évidente. Le référent ne se confondit pas longtemps avec le motif reproduit.
Ainsi, une gravure de portrait ne reproduit pas que les traits d’un visage mais toute une personnalité avec ses caractères et ses goûts. L’art se situe entre le rendu exact du motif – qui est affaire de praticien ou de machine – et l’adjonction de notations discrètes. Pour rendre la complexité du référent, la reproduction doit dépasser de beaucoup le produit mécanique qui ne rend que le sujet « dénoté ». Pour ajouter à ce sujet neutre (de nature descriptive) les notations qui révéleront sa totalité expressive, le graveur-artiste doit avoir recours à une infinité d’artifices souvent indéfinissables (choix du sujet, échelle, composition, écriture, profondeur des tailles, lumières, stylisation, encrage) qui sont proprement le langage de l’art et que seuls son talent et son intelligence peuvent lui fournir. Les procédés mécaniques qui entrent dans sa production n’ont jamais altéré le caractère magique de l’image. Son succès vient de ce qu’elle pouvait satisfaire, à l’échelle sociale,
les différents besoins de représentation de la vie mythique.
Cette fonction apparaît dès les premières xylographies, essentiellement des crucifix et des images pieuses, qui protégeaient leurs possesseurs. La puissance de l’image a fait de la gravure un instrument privilégié de propagande dans tous les domaines. François Ier avait utilisé l’affiche[…] Il apparaît que les procédés de gravure peuvent se multiplier à l’infini. Cette richesse a permis à la gravure de s’adapter à tous les styles, et d’être redécouverte par les artistes à chaque époque.

Michel Melot
Directeur de la bibliothèque, Centre Georges-Pompidou

 

« Choc de l’anachronisme des techniques et des messages. Mon travail consiste à détourner les grands classiques de la gravure et de la peinture du XIXème siècle. La sophistication de ces œuvres romantiques y percute l’esprit matérialiste de notre époque. L’image ainsi recrée dépeint l’effondrement des valeurs. Dénonçant l’obscénité des plaisirs éphémères qui ont balayé la noblesse et le lyrisme du romantisme. J’ai une idée très précise de la mise en scène que je veux créer. Ce n’est pas la gravure ou bien une peinture qui va m’inspirer. S’ensuit un travail « d’archiviste » avant acquisition de ces pièces originales. Un peu « néo-punk »; je ne m’abandonne pas au mal du siècle! »

Serge Legs

 

Serge Legs

Communiqué de Presse