Jean-Baptiste Perrot – Video Game Glitches

Du 10 mars au 11 avril 2018

Vernissage le samedi 10 mars

 

« Les hommes se croient libres pour cette seule cause qu’il sont conscients de leurs actions et ignorants des causes par lesquelles ils sont déterminés… » Spinoza, L’Éthique, 1677

La question épineuse du déterminisme et du libre-arbitre telle qu’elle a pu être traitée à travers les siècles nourrit l’imaginaire créatif de Jean-Baptiste Perrot. Depuis ses débuts, il a entamé une réflexion esthétique sur le processus de décision et de responsabilité qui en découle; le déterminisme est source de toutes ses recherches plastiques.

À l’instar d’autres artistes de sa génération, Jean-Baptiste Perrot trouve dans le jeu vidéo un répertoire de formes essentiel à sa recherche artistique. Selon lui, il constitue le lieu privilégié du déterminisme puisque actions, espaces et temps respectent une histoire et des règles préétablies par des scénaristes. Dans la saga GTA, une succession variée de missions, où violence et criminalité sont maîtres mots, immerge le joueur dans des villes hybrides calquées avec un réalisme dérangeant sur New-York, Los Angeles. Le développeur réalise de façon minutieuse l’ensemble du jeu, codifiant toutes les caractéristiques de celui-ci dans un langage informatique, infligeant un protocole stricte aux joueurs. Le jeu avant commercialisation est alors soumis à une batterie de tests et de mises à l’épreuve afin d’en révéler les failles et de les corriger. Là intervient Jean-Baptiste Perrot qui s’infiltre dans une faille.

« Bien que toute la maîtrise soit déployée par cette industrie pour créer un produit à zéro défaut, des failles peuvent échapper aux concepteurs. On appelle ces failles des bugs. Dans le cadre de jeux vidéo, on les nomme plus spécifiquement des Glitches. Les Glitches ouvrent un espace de liberté à celui qui les repère. Il va pouvoir les exploiter pour agir de façon non déterminée par les concepteurs. Le joueur sort du déterminisme imposé par le jeu et ceux qui l’ont créé » nous explique Jean-Baptiste. De l’ère électronique, l’ère du Bug informatique! « Les développeurs traquent [les bugs, les glitches] et les éliminent pour cadrer précisément l’expérience du jeu. Les joueurs, à contrario, voient dans ces bugs de nouvelles possibilités d’action. Les bugs transforment l’expérience du jeu jusqu’à en modifier le but. On ne joue plus le jeu, on joue avec le jeu. » Julien Prévieux, (Jouer avec le jeu (erreur, errance et émergence), ArtPress2).

Dans De Rerum Natura, le philosophe épicurien Lucrèce décrit le Clinamen comme la déviation, le changement spontané et aléatoire de la chute verticale naturelle des atomes dans le vide; un écart spatialement et temporellement indéterminé et aléatoire, par conséquent principe même de la création et du libre arbitre dans un cadre matérialiste. Toujours inventif dans les dispositifs de création qu’il emploie, Jean-Baptiste Perrot convertit physiquement l’imagerie numérique en matière (encre, crayon, peinture). Le papier est scarifié au scalpel en suivant le tracé d’une trame. Cette dernière est une sorte de code informatique produit par une machine, dont la réalisation est totalement rationalisée. Le dessin ne peut échapper à cette trame, il la révèle dès lors que le fusain met en exergue la scarification du papier. « Le dessin réalisé au fusain s’humanise, le trouble visuel du Glitch s’autonomise et produit sa propre identité par le grain accidentel même du fusain. » D’un univers au réalisme standardisé et aseptisé, Jean-Baptiste Perrot fait jaillir onirisme et télescopage stylistique. Paysages urbains, axes routiers, véhicules constituent un vocabulaire du déplacement et du choix.

La sculpture de bois représente au sein de l’exposition « Video Game Glitches » un masque de collision, qui est une simplification d’objet permettant de définir les contraintes physiques de celui-ci dans le jeu. Une immatérialité dans la matérialité 3D. A travers l’écart informatique, le dysfonctionnement, à l’instar d’artistes qui s’inscrivent dans ce que l’on appelle le « Glitch Art », Jean-Baptiste Perrot trouve dans le bug informatique une formidable opportunité, qu’il s’approprie et exploite pour en tirer de nouvelles formes. Véritable objet de révolte, le Glitch ouvre un espace de liberté à celui qui les repère: révolte du jeu lui même, révolte du bug contre le jeu, révolte du joueur contre le jeu. C’est une garantie de libre-arbitre par la prise de conscience d’un dispositif chaotique que l’on peut alors manipuler en en faisant émerger une esthétique tout aussi incontrôlée nous invitant aussi à une réflexion sur l’aspect modulable de l’information numérique.

 

Jean-Baptiste Perrot

Communiqué de presse