Du 28 février au 15 mai 2015
Vernissage le samedi 28 février
Pour sa seconde exposition personnelle à la Galerie ALB, Samuel Martin transforme l’espace en un Palais des Glaces hanté.
Hanté et chargé de réminiscences contradictoires comme le sont nos souvenirs lorsqu’ils ramènent à la vie, anciens amis et premiers soupirs. Les reflets en cascade que crée l’esprit quand il est mis face à lui-même nous rappellent les joies et les sous-bois qui abritèrent nos cache-cache d’adultes, ceux auxquels on s’adonnait en mimant une naïveté et une innocence qui, bien évidemment, n’était plus de mise. Nous partions à la recherche de trésors en ruines, peut-être dissimulés sous la banquette trouée de la 2CV dont nous partagions l’abri, rouillé, mais formidablement évocateur, puisqu’à demi enterré dans un coin de nature où aucune route de campagne ne mène.
Samuel Martin construit ses espaces hantés dans de très grands fusains sur toile. La nuit y est presque tou- jours tombée. Elle vient s’emboiter dans une forêt de résineux, formant avec elle une obscurité que l’artiste parvient à rendre quasiment palpable. À l’intérieur, par gommage et suppression de la matière pulvérulente, il libère progressivement la lumière du fond, une clarté vibrante du grain de la toile ramenée à la surface. Dans ces ténèbres gambadent des corps déshabillés, dont la nudité, sans héroïsme ni érotisme, semble de rigueur dans ces Paradis perdus. La plupart portent un masque rigolard. L’héroïsme classique ne montre pas son visage. Ce que Samuel Martin représente n’est pas une rêverie. Il n’embellit pas l’histoire. Au contraire, il pousse à son paroxysme le jeu tout en en soulignant le caractère éminemment humain.
Haunted Game se parcourt à ce risque.
Élodie Voillot
Samuel Martin construit la narration d’un instant cinématographique. Les lieux, les personnages, tous semblent irréels et construits autour d’une imagerie commune, celle d’un montage. En articulant ses histoires comme des décors de théâtre grandeur nature, il laisse à penser, comme « pour les cinéastes, que le recours au décor est un acte d’écriture: l’image cinématographique relève de ce qui est entièrement construit, et la vérité du film découle de ce qui est montré. » Nous avons ainsi la « certitude que ceux-ci ont été fabriqués: c’est introduire, dans le décor naturel de la forêt, le doute de l’artifice. » Samuel Martin nous amène alors « à contempler chaque objet comme un instrument de fiction, et chaque lieu comme la volonté, encore en puissance, dont la caméra serait partout, et le point de vue nulle part. » La narration, l’avant, l’après scène, tout est suspendu au temps arrêté et convoqué par l’artiste. Au regardeur de définir, d’imaginer l’histoire qui découle de cet instant figé dans le fusain. Si la lecture de l’œuvre incite notre regard au travelling « comme une manière de montrer le monde dans un mouvement », Samuel Martin semblerait « chercher au contraire à rétablir par l’image une immobilité dans un mouvement permanent. » Le bruissement de la végétation, le craquement des tôles de voitures, les soupirs supposés de ces personnages derrière leurs masques, tout cela nous « laisse fixes sur nos pieds, face au défilement des choses » que Samuel Martin dessine.
On « établit avec cette œuvre une surprenante manière de faire où l’artifice de montage devient le véritable sujet, et où l’image s’émancipe du scénario. »
Camille Azaïs en extraits