Du 07 septembre au 13 octobre 2013
Vernissage le samedi 07 septembre
« Pour Adrien Belgrand, peindre c’est produire des images, c’est-à-dire donner corps à un regard original, donner de la matière à un moment. Il affirme l’importance de produire des images uniques et la singularité de la représentation. Il neutralise la touche, lisse la matière.
En une année, ce jeune peintre est passé, comme s’il avait clôt un apprentissage, du paysage, de la nature morte à la scène de genre. Son dernier projet: représenter l’être et les liens étroits qu’il entretient avec la solitude. Montrer la complexité et la volatilité des émotions qui agitent les relations humaines, conserver un instant de bonheur. La parole silencieuse du peintre raconte une histoire secrète de ses contemporains: comment vivre ensemble, comment capter l’instant essentiel, lien étroit entre le sujet et le peintre?
Faisons un sort au réalisme d’Adrien Belgrand. Il n’est pas « hyper ». Il prend parti contre l’objectivité froide et glacée de l’hyperréalisme en lieu commun. Il lui oppose un réalisme bienveillant qui s’intéresse à la permanence sensible des personnes, des instants, des paysages urbains. Ces images ne sont pas des instantanés, au contraire, le temps s’étire: marquer une pause dans le jardin, cuisiner, travailler… exister en somme, aujourd’hui ou dans 100 ans, à travers les mêmes gestes, les mêmes attitudes. L’espace temps devient alors infini, le réalisme présent. Il nous faut suivre la ligne des variations du peintre: cherchant l’harmonie dans ses compositions, il la trouve dans la symétrie des lignes de force souvent binaires. Un axe partage ses tableaux en deux, axe contrarié par une deuxième grille, ternaire cette fois-ci qui va définir les plans, l’ensemble donne une composition riche, équilibrée. Presque schématique à force d’être rigoureux; pour autant, cela donne le rythme caractéristique de ses tableaux: andante ma non troppo.
Passent sur ses toiles, l’ombre au sourire, l’absence d’un regard, l’attente. Comme le bonheur se joue volontiers à deux, les scènes témoignent de l’ambivalence d’être deux. La concentration est au centre des activités de chacun des personnages. Ainsi lire, faire la cuisine, autrement dit s’absorber.
Au final, ce n’est pas tant une difficulté à communiquer l’un à l’autre qui est peinte que la nécessité de revenir à soi.
Cependant, et c’est sans doute le plus remarquable dans les toiles d’Adrien Belgrand, la solitude est le plus souvent un moment silencieux. Joie lumineuse d’être ensemble! Complicité et confiance se passent de discours: elles font images. Bien sûr, il y a de la peinture américaine dans ses compositions géométriques, dans le traitement des sujets, l’isolement, la solitude. On rencontre dix références à l’histoire de l’art occidental dans un tableau d’Adrien Belgrand. Faudrait-il justifier l’admiration, rappeler le terrible dans le métier de peintre qui oblige à se confronter dix fois par jour à ses maîtres? Mais il a cette définition particulière de l’interaction, comme une solitude assumée, cette french touch qui consiste à mettre du bonheur dans la peinture. Il faut avoir vécu un peu pour mettre dans de la peinture autant d’histoires, 2013 est pour Adrien Belgrand l’année de la maturité. »
Juliette Cortes
Responsable des Arts Plastiques à la Maison Chevolleau