Du 28 avril au 02 juin 2016
Vernissage le jeudi 28 avril
Des formes fantomatiques, fantasmagoriques se dégagent de ces visions graphiques. Le ressentiment d’être face à une photo au protocole résolument dense, à cette recherche graphique supposément aérienne, nous laisse contempler l’œuvre de l’artiste.
ALB
« Le travail quasi photographique d’Anouck Durand-Gasselin s’abreuve à la pénombre des sous-bois, à l’humidité des forêts, aux galeries souterraines, aux champignons qu’elle laisse ou fait évoluer pour en recueillir la production. La source importe, oui, mais n’est pas apparente, seule sa trace, son éjection, sa production, son expansion dans l’espace et son dépôt sur la surface. L’artiste donne à voir le processus d’apparition d’une forme, d’une image à partir d’un élément naturel, le champignon; elle capture le mouvement entre les parois transparentes et le fige au plus haut degré de son potentiel d’imagination.
Tamogitake est le nom japonais du pleurote jaune, et le nom de la nouvelle série présentée à la galerie ALB. La nouveauté vient de la variété du champignon, de ses qualités propres et des surfaces (aluminium et plexiglass) sur lesquelles se fait la sporulation, comme de leur format. Si Anouck Durand-Gasselin semble laisser faire la nature, elle maîtrise pourtant les effets de sa matière. Elle fait du hasard une méthode, ce qui veut dire, aussi, qu’elle le contrôle.
Ainsi la chaîne des événements qui donnent lieu à ces vagues évanescentes et ces suspensions fantomatiques suit un protocole précis: trouver la champignonnière, s’y rendre en voiture en traversant le massif de l’Hautil, une vaste butte délimitée au sud par les coteaux abrupts de la vallée de la Seine, à l’est par la vallée de l’Oise, à l’ouest par l’Aubette, et au nord par le plateau du Vexin français. Trouver l’entrée d’une carrière, être accueillie par le champignonniste, le suivre dans les dédales sombres des galeries et se laisser guider par l’odeur forte, pour aboutir devant des ballots noirs, comme des stèles alignées desquelles semblent exploser des corolles jaune pâle qui seules éclairent ces cavités. Ce sont ces corolles qui une fois prélevées, ramenées dans l’atelier de l’artiste et déposées sur une surface sensible vont produire cette matière légère, charnelle et insaisissable. L’explosion infime en une dispersion aléatoire qui se produit rapidement après la cueillette, est appelée sporulation, il s’agit de l’activité reproductrice du champignon qui éjecte ses spores. La matière à la surface de l’image est dense et lumineuse comme brûlée, elle s’étend tout autour d’un vide sombre et sinueux qui creuse la planéité, crée une profondeur temporelle, un effet de palimpseste. Anouck Durand-Gasselin capte le mouvement par vagues successives, l’emprisonne entre les parois de plexiglass ou de plexiglass et d’aluminium. La surface de captation décide de l’étalement de la semence. La charge électrostatique du plexiglass dilue la sporée, quand l’aluminium la maintient dans sa densité laiteuse et couvre toute la surface disponible créant des effets d’opalescence et de moirure. L’artiste s’installe dans l’écart entre l’organisme producteur et la forme produite, dont elle expose ensuite la trace piégée. Elle explore les possibilités plastiques d’une matière vivante pour en donner une trace photographique qui laisse au regard toute latitude d’invention et de projection poétique. La beauté gracieuse de ces surfaces mouvantes suspendues est une réserve inépuisable d’imaginaire. »
Sally Bonn
Docteur en esthétique, Curator, Éditeur Revue N/Z