Du 10 juin au 8 juillet 2017
Vernissage le samedi 10 juin
En fédérant une lecture prosaïque du monde contemporain, Julien Gorgeart traduit une vision narrative et cinématographique de l’intime. L’appartenance des fragments de vie quotidienne, déployés sur toile et sur papier, n’est pas clairement déterminée; elle marque l’autorisation du regardeur à pénétrer une réalité bicéphale, tergiversant avec l’inconnu et le familier. De cette représentation affranchie de tout code spatio-temporel, on pénètre l’image à la manière d’un incipit in media res. Le réalisme des scènes d’intérieur, des portraits et des paysages invite une frontalité et une immédiateté d’appréciation évidentes, soutenues par une plasticité passée au filtre photographique. Sans négliger les fondamentaux sémantiques — domination de l’artefact, éloge de l’anonyme —, c’est le cadrage qui participe activement à l’énonciation de ce trouble interstitiel. Se définissant lui-même comme « peintre du simulacre », Julien Gorgeart transcende les limites de l’illusion et réactive une iconographie de l’ordinaire via l’aquarelle. Au-delà des apparences, il tisse le récit de vies insouciantes dont la cohérence sémantique opère sous l’égide de la trivialité et de l’erreur. Erreur qui se manifeste par un effacement partiel du sujet, un hors-champ dûment contrôlé, un flou total mis au service d’une esthétique de la saturation. Autant de parasites visuels qui interviennent au coeur d’un académisme certain employé par l’artiste, où la fidélité archétypale des corps et des décors inscrit sa démarche dans une perspective existentialiste. Celle-ci est formulée à son paroxysme à travers Alphaville (2017), dernière peinture de l’artiste, dont le titre soutient l’écho déshumanisé du film de Godard (1965) et l’apparence isolée du quartier éponyme à São Paulo. Mise en exergue de l’anonymat, exploration des signes propres à l’histoire individuelle et inspection du souvenir domestique: telle une quête d’échantillons personnels, la peinture de Julien Gorgeart effectue, par glissement, une introspection du reconnaissable. Le silence formel qui règne en maître par l’immobilité des captures interroge la mémoire collective et sa représentation. « Les vérités sont des illusions dont on a oublié qu’elles le sont. », écrit Nietzsche. Dans cette veine, Julien Gorgeart offre un miroir de l’expérience humaine, percute les murs du paraître au profit d’une fiction polymorphe. Laissant la part belle à l’imagination de l’observateur pour conjuguer chaque image au temps qui lui convient.
Maxime Gasnier