Du 2 septembre au 10 octobre 2017
Vernissage le samedi 02 septembre
Avec une iconographie de personnages mis dans des situations décalées, un côté graphique acidulé, la touche picturale de Philipe Nuell ambiance ses peintures. Deux / trois éléments, une valise ouverte, pour une journée, un périple, une vie…? Une femme seule. Un homme seul. Une posture qui semble sensuelle. Une autre qui semble résignée. La lassitude et la tristesse des décors et des corps pourraient ils traduire irrémédiablement une attente. Peur du vide… Face à cette explosion de rose flamboyant. Soyez les bienvenus dans ce monde pictural emprunt de clin d’œil aux sculptures de Duane Hanson, lien de réappropriation « du tableau dans le tableau », énigmatique et récurrent dans le travail de l’artiste.
ALB
Le rêve américain, un rêve brisé?
La peinture de Philippe Nuell est une chronique désenchantée de « l’American way of Life » qu’il connaît bien pour avoir vécu de nombreuses années à New York avant de s’installer à Paris. Dans un langage simple avec une attention particulière au rendu des détails, il met l’accent sur le besoin de retrouver d’autres valeurs que celles du Rêve Américain. Sous les couleurs chatoyantes du bonheur matériel, il nous révèle avec humour notre incapacité à nous en satisfaire. Mais il y a du tragique dans son humour.
Les êtres qu’ils représentent sont ailleurs, peints dans la solitude de leur confort et voués à la mélancolie de leur vie quotidienne centrée sur les biens de consommation. Une société ou l’emballage brillant et factice des belles apparences cache le vide de leur existence. Philippe Nuell a mis à profit son « rêve américain » à New York pour regarder la peinture réaliste américaine. Son art se distingue de l’esprit du Précisionnisme, minutieux et froid, qui célèbre le progrès technique et industriel. À l’opposé du style photographique de Demuth ou Sheeler, il utilise un jeu vivace de couleurs proche des artistes du Popart. Ses personnages avec leur poses emphatiques prennent une signification symbolique et accentuent leur aspect kitsch et de mauvais goût. Le tableau « Pool Time » est, de tout son travail, l’exemple le plus significatif de l’ère de « la marchandise heureuse »; une grosse femme assise sur un pliant, une piscine vide à côté d’un immeuble en chantier, qui se voulait luxueux mais qui ne sera jamais terminé ou qui semble abandonné. Seul un sommeil réparateur peut lui faire oublier ses rêves illusoires qu’elle croyait avoir trouvés dans deux magazines « people » qu’elle a posés et refermés à ses pieds. Cette vacuité est aussi présentée dans « One night Stand ». La femme en bleue est dans la même situation que l’héroïne de la Chambre d’Hôtel d’Edward Hopper. Une valise blanche posée sur un fauteuil à côté d’un autre vide. L’attente improbable de l’autre et le découragement du rendez-vous manqué. La couleur rouge vif de la chambre traduit en l’amplifiant son abattement et sa profonde douleur. « Mickey is Lucky » traduit le désenchantement d’une joie programmée par notre société du Spectacle. Un homme et une femme se retrouvent déguisés peut être après de nombreuses conversations virtuelles sur internet. Sans vrais repères, ils se rencontrent près d’un de ces hôtels miteux. Le ciel noir et la tristesse du lieu présagent bien des mauvais goût dans leur choix et de l’inanité de leurs valeurs d’emprunt. L’artiste pourrait ici dénoncer le Kitsch de notre société qui consiste à refléter un rêve de bonheur mais qui n’est en réalité qu’une « ère du vide ». Derrière ce spectacle de désolation, il n’oublie pas l’homme de douleurs et témoigne avec affection de nos vanités.
Jacques Rivet
Art Curial