Philippe Huart – Nécessités intérieures

Du 14 avril au 18 mai 2018

Vernissage le samedi 14 avril

 

« C’est l’objet qui m’intéresse, tant par sa dimension esthétique que par le symbole qu’il représente. » Philipe Huart

« Philippe Huart fait partie de ces artistes provocateurs qui usent de la métaphore, voire de la caricature ou même de la contrefaçon pour nous montrer le monde tel qu’il est, et s’en insurger. »

Anne-Sophie Pellerin

L’artiste accorde volontiers au Pop art une influence dans son imaginaire artistique mais ne souhaite pas s’en revendiquer. Il considère son travail en « décalage avec ce qui a été fait dans ce domaine car c’est le point de vue d’un français, d’un européen qui s’exprime », mesurant aussi un écart de génération qui l’en distingue nécessairement. Néanmoins il reconnaît certaines correspondances avec le mouvement anglo-américain, éprouvant lui aussi l’importance de désacraliser la peinture, et d’offrir au regardeur une peinture intrinsèquement explicite; la réalité objective comme condition de son œuvre. C’est la figuration narrative qui est primordiale dans l’œuvre de Philippe Huart. La touche réaliste y est extrême, la lumière y est brutale. Donne-t-il à voir un aspect final qui devrait représenter ou illustrer un monde lisse de couverture de magazine? Il faut toutefois voir au delà de cette apparente perfection, l’hyménée d’une autre réalité et ce qu’elle cache – les sujets se chargent alors de nous ramener à une violence contemporaine; sublime grincement de dents presque audible, portrait à l’italienne d’un jeune homme de guerre bactériologique, joyeuse accumulation de médicaments… Une vierge post-apocalyptique aurait-elle troqué son enfant pour un masque à gaz en gardant tous les codes iconographiques de cette représentation sacralisée. Entre suffocation et renaissance, c’est l’état de grâce. Un autre de ses sujets de prédilection, l’humain, ici une femme, porte les chirothèques de pourpre cardinalesque et les retire tel l’Homme au gant du Titien (1523). Elle est ici alliée en diptyque horizontal et supérieur (tel que devrait être représenté son visage) à un champignon nucléaire; cette image est à la fois majestueuse et attirante avec ce rouge pictural d’une réelle beauté, ce rouge pourpre de ce que l’horreur d’une guerre atomique peut conclure en bain de sang. Une représentation d’images que nous connaissons tous plus ou moins, mais une fois assemblées perturbent nos repères et libèrent notre imaginaire.
Nous pourrions voir dans ces visages cagoulés, motif récurant dans le travail de Philippe Huart aussi bien en dessin qu’en peinture, un Christ portant la capirote de pénitence des condamnés à mort humiliés publiquement pendant l’inquisition, les fils de fer barbelé en guise de couronne d’épine. Sorte de sujet/forme dans sa peinture exploitant tout le lyrisme que l’horreur peut renfermer, ou bien mise en abîme qui n’est pas sans rappeler ceux d’un Andres Serrano et de sa série de portraits photographiques en clair/obscur des membres du Ku Klux Klan. Et que dire du drapé et de ses traitements dans nombres de ses oeuvres, sorte de liens évidents à des mises en abime et des renaissances; le lange d’un enfant, sa protection, la stola romaine, le pallium d’un épucurien, le linceul de la résurrection, tout porte à croire qu’il devient costume dans la peinture de Huart. Il est ici intéressant de noter que l’oeuvre de Philippe Huart nous fait traverser de nombreuses périodes de l’histoire de l’art par l’inconscient collectif. D’un Titien à un Andrés Serrano comme nous l’avons noté, les postures de ces sujets subliment l’interprétation évidente que le peintre excelle dans sa représentation du genre humain. Il cite souvent cette volonté de porter en exergue un inconscient collectif profondément marqué dans notre siècle par la publicité et le marketing de notre société de consommation; un monde où l’apparente gaité cache une réalité bien plus angoissante. Le monde dans lequel nous évoluons recèle de signes banalisés; l’artiste tente de nous faire poser un regard renouvelé en manipulant les images, elles-mêmes supports fondamentaux de toute communication. Souhaite-t-il nous faire sortir d’un état de somnolence?… Et encore une fois tout n’est qu’interprétation, l’artiste donnant à voir sans mettre aucune grille de lecture factuelle. À travers la série Junk Food rassemblant sucreries, médicaments et drogues dans des couleurs très dynamiques, la gêne est immédiate tant le discours est équivoque: « J’essaye de créer le bonbon le plus brillant possible pour offrir un aliment très plaisant, et fondre de plaisir. Puis, comme le réalisateur David Lynch sait si bien le montrer dans ses films, je cherche à dévoiler l’envers du décor, le double sens de cette vie américaine si lisse, si parfaite… »

« La commercialisation de l’art est l’étape qui vient après la création. J’ai commencé comme artiste commercial, et je veux terminer comme artiste » Andy Warhol. Après des études à l’École Supérieure des Arts Modernes de Paris, Philippe Huart entame une première carrière de graphiste et illustrateur au profit du monde de l’édition et la musique… Puis vient les rencontres entre autre avec les artistes Schlosser et Rancillac avec leurs encouragements et leurs conseils qui menèrent Philippe à la peinture, de laquelle il ne se détourna jamais plus.

 

Philippe Huart

Communiqué de presse